mardi 18 novembre 2014

Grillons, vers de farine... : êtes-vous prêts à manger des insectes ?

De jeunes entrepreneurs veulent nous convertir à cette nouvelle source de protéines, plus économe pour la planète. Même les plus grands restaurants s'y mettent. Et sans le savoir, nous en mangeons déjà…

Vous avez un petit creux ? Pourquoi ne pas croquer une barre énergétique aux vers de farine, avaler quelques chips de grillon ou déguster un biscuit de larve de scarabée ? Non, il ne s'agit pas d'une provocation, mais d'une idée de plus en plus en vogue parmi les futurologues de l'alimentation et les militants d'un développement agroalimentaire durable. Sur le marché américain, une bonne demi-douzaine de start-up - Chapul, Exo, Bitty Foods, Six Foods, All Things Bugs... - commercialisent déjà des produits susceptibles de convertir les palais occidentaux à l'entomophagie.

En France, le toulousain Micronutris élève lui-même ses grillons et vers de farine, et vend sachets apéritifs, biscuits salés et sucrés, ainsi que macarons et chocolats d'insectes (boutique en ligne sur le site Mangeons des Insectes). Aux Pays-Bas, ce sont les magasins Sligro qui en proposent à leur rayon viande. Quelques restaurants s'y sont mis. A Nice, le chef étoilé de L'Aphrodite propose des "croustillants de grillons". A Paris, le Festin nu sert des "tapas" d'insectes (au choix, scorpions d'eau, vers de farine, vers à soie, vers de sagou, grillons, sauterelles ou scarabées).

L'une des tables les plus réputées du monde - le Noma de Copenhague - s'en est fait une spécialité. Son chef René Redzepi a même dédié une partie de son Nordic Food Lab à l'exploration des qualités gastronomiques des bébêtes.

Des fragments d'insectes dans le pain et les compotes

Des insectes ? L'idée, après tout, n'est pas si étrange : 80% des pays de la planète sont déjà insectivores ! Plus de deux milliards de personnes consomment quelque 1.400 espèces d'insectes, dans une centaine de pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie. En tête du hit-parade viennent les coléoptères, les chenilles, les abeilles, les guêpes et les fourmis. Suivis par les sauterelles, criquets et autres grillons. Les criquets enrobés de miel et autres larves de scarabée cerf-volant étaient aussi prisés par les gourmets de la Grèce et de la Rome antique, explique Jean-Baptiste de Panafieu dans son livre "Les insectes nourriront-ils la planète ?" (Editions du Rouergue).

On en mangerait d'ailleurs nous-mêmes, à notre insu, en moyenne 500 grammes par an : il s'agit des fragments d'insectes dissimulés dans les farines de céréales (donc le pain et les biscuits), ainsi que les bestioles dont on trouve des traces dans les soupes et compotes industrielles. L'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) encourage, depuis des années, cette tendance.
"Une des très nombreuses façons de répondre aux problèmes de la sécurité alimentaire humaine et animale est d'envisager l'élevage d'insectes, lit-on sur ses brochures. Les insectes sont partout et ils se reproduisent rapidement. Ils présentent en outre des taux de croissance et de conversion alimentaire élevés et ont un faible impact sur l'environnement pendant tout leur cycle de vie." 
Cheptel à six pattes

Un rapport plus récent de l'organisme onusien explique que si les humains devenaient entomophages, on pourrait récupérer 30% des surfaces arables de la planète consacrées à l'élevage (70% de nos terres), réduire de 18% nos émissions de gaz à effet de serre et baisser de 33% les prix de l'alimentation. Car l'élevage de ces bestioles permet à la fois d'économiser l'eau et les intrans. Avec 10 kilos de végétal, on ne produit qu'un kilo de viande de boeuf... mais 9 kilos de viande de grillon !

Mieux : ce cheptel à six pattes peut dévorer nos propres déchets alimentaires. Surtout, les insectes sont riches en protéines : une fois séché, le cricket en contiendrait 22% de plus que le boeuf. Et ils apportent aussi fibres, minéraux (fer), vitamines (A, B1, B2, D) et "bons" acides gras.

Evidemment, le steak d'insectes ne devrait pas nous conquérir de sitôt. Question de culture. En revanche, les farines d'insectes pourraient vite gagner du terrain dans l'alimentation animale. Selon Paul Vantomme, expert de la FAO, d'ici à deux décennies, elles pourraient représenter 10% des quelque 150 millions de tonnes annuelles de protéines animales consommées par l'élevage. Notamment pour remplacer les farines de poissons ou de soja absorbées par l'aquaculture et l'aviculture. Un créneau que lorgnent l'américain EnviroFlight, le sud-africain AgriProtein et le français Ynsect.
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Source : http://tempsreel.nouvelobs.com, Dominique Nora, publié le 04-10-2014

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