jeudi 21 janvier 2016

Une "ruche de table" financée avec succès sur Kickstarter

Deux inventrices autrichiennes vont commercialiser une nouvelle version de leur incubateur à vers de farine. Une source de protéines à cultiver à domicile.

En juillet 2013, nous vous avions présenté cette audacieuse création de deux inventrices Autrichiennes : Katharina Unger et Julia Kaisinger. Leur idée est venue d'un constat alarmant. "D'ici 2050, la production de viande devra augmenter de 50%, pour satisfaire les besoins d'une population mondiale toujours en croissance" chiffrait Katharina Unger une designer autrichienne, sur son site Internet. En effet, selon la FAO (l'organisation mondiale pour l'alimentation), nous serons plus de 9 milliards de bouches humaines à nourrir d'ici 2030. Mais comment alimenter tout le monde sans avoir recours à la production animale intensive, génératrice de pollution et très consommatrice d'eau ? Les deux jeunes femmes se sont donc tournées vers les insectes qui représentent une source de protéines facile à cultiver et bien plus rentable sur le plan énergétique. En effet, 10 kilos de matière nutritive sont nécessaires pour produire un kilo de bœuf. Alors que pour produire la même quantité d'insectes, il ne faudra que 2,2 kilos de nourriture. Et non seulement cette quantité de nourriture est moindre, mais en plus elle est constituée de déchets organiques produits par le foyer (restes de fruits et de légumes, épluchures...), ce qui contribue également à réduire le volume des poubelles d'un foyer, à l'image des lombricomposteurs. Les deux inventrices se sont donc attelées à la tâche de développer un appareil qui permette facilement d'élever des vers de farine chez soi, dans un espace réduit. Après plusieurs prototypes, c'est finalement un modèle sous forme de tiroirs superposés qui a été proposé aux internautes sur la plateforme de financement participatif Kickstarter.

La structure peut produire, d'après ses inventeurs, jusqu'à 500 grammes de vers de farine par semaine, destinés à être consommés frits ou réduits en farine. Les vers sont introduits sous forme de larves dans le haut de l'appareil, où ils grandissent et se reproduisent. Une fois atteinte la taille de 3 cm, ils tombent automatiquement dans un tiroir où ils sont "récoltés". "Vous les passez alors au congélateur et vous pouvez les consommer comme n'importe quelle autre viande, cuits, frits, en burger ou dans une sauce pour les pâtes", explique Katharina Unger.

Les deux inventrices et leur équipe se sont installées en Chine pour y superviser la fabrication de leur produit. La campagne Kickstarter leur a permis de lever plus de 145.000 dollars en prévendant de nombreux appareils, au prix de (tout de même) 449 dollars. Les premières livraisons sont prévues pour novembre 2016.

Encouragée par la FAO, l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, qui y voit une contribution à la sécurité alimentaire mondiale, la consommation d'insectes est quotidiennement pratiquée par plus de 2 milliards d'humains, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. En Europe, les insectes étaient également appréciés durant l'Antiquité par les Romains et par les Grecs, notamment Aristote qui confia dans ses écrits raffoler de larves de cigales. Tombée dans la confidentialité en Occident, l'entomophagie (la consommation d'insectes) gagne à nouveau du terrain en Europe et en Amérique du Nord avec quelques épiceries et restaurants branchés proposant vers séchés, crickets grillés et autres scorpions frits.

Un goût de noix ou de champignon

L'intérêt écologique et nutritionnel des insectes n'a pas échappé à la FAO, qui dans un rapport publié en 2013 avait souligné "l'énorme potentiel" alimentaire représenté par les insectes, non seulement pour les humains, mais aussi, potentiellement, pour le bétail. Reste toutefois, pour beaucoup de néophytes, à surmonter son aversion face à l'idée d'élever une masse grouillante de vers bruns et dodus... et de les manger. "La première étape, c'est d'oublier que l'on mange un insecte. Ensuite, on se rend compte que ce n'est pas si mauvais", confie la critique gastronomique Alexandra Palla, dont le blog est très suivi en Autriche. Verdict de l'experte, rencontrée par l'AFP lors d'une dégustation de salade grecque aux vers, de boulettes de viande aux vers et de gâteau au chocolat (et aux vers) organisée par la start-up à Vienne : le goût n'est "pas très spectaculaire" et relève de "la noix, ou du champignon". Julia Kaisinger en est convaincue : "A l'avenir, tout le monde ou presque mangera des insectes." D'ores et déjà, assure-t-elle, "les gens consomment un demi-kilo d'insectes par an sans le savoir, que ce soit sous forme de traces dans le chocolat, ou dans les jus de fruit". Sans compter les aficionados de la mimolette française ou du cazu marsu sarde, fromages traditionnels farcis d'acariens pour l'un et de vers pour l'autre...
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Source : Erwan Lecomte, sciencesetavenir.fr, 20/01/2016

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