lundi 6 juin 2016

Les protéines végétales sont-elles une alimentation d’avenir ?

ENTRETIEN avec Jean-Michel Chardigny, nutritionniste, directeur de recherches à l’Inra.

À l’occasion des 1ères Rencontres francophones sur les légumineuses qui se tiennent à Dijon les 31 mai et 1er juin, Jean-Michel Chardigny revient sur les propriétés des légumes secs, encore trop souvent boudés par les Français.

L’augmentation de la population humaine, la nécessité de réduire la consommation de protéines animales dans les pays développés et celle de diminuer les rejets de CO2 dans l’atmosphère terrestre, font que le choix de consommer davantage de protéines végétales s’avère être une solution bonne, raisonnable et durable.

Essentiellement présentes dans les légumineuses

À l’heure actuelle, en Occident, on consomme un tiers de protéines végétales pour deux tiers de protéines animales, alors que les recommandations internationales préconisent plutôt que ce soit moitié-moitié. Nous devrions donc consommer un peu moins de protéines animales et un peu plus de protéines végétales, ce qui permettrait à une plus grande partie de la population mondiale d’accéder aux produits animaux.

Essentiellement présentes dans les légumineuses ou « légumes secs » (lentilles, fèves, pois, haricots secs, soja), les protéines végétales sont bénéfiques pour la santé (prévention des maladies cardiovasculaires, de minéraux, de vitamines, contrôle de la glycémie, apport de fibres). Elles sont moins coûteuses pour le consommateur que les produits animaux (viande, produits laitiers).

Cultivées sans recours aux engrais chimiques

En termes d’agroécologie, le rendement protéique des plantes est bien meilleur que celui des animaux puisqu’il faut, en moyenne, cinq kilogrammes de protéines végétales pour produire un kg de protéines animales. D’autre part, du fait de la présence exceptionnelle de nodules racinaires leur permettant de fixer l’azote de l’air, les légumineuses enrichissent le sol en azote.

Elles peuvent être cultivées sans recourir aux engrais chimiques, principale source de gaz à effet de serre de l’agriculture, un secteur qui compte au total pour 16 % des émissions de gaz à effet de serre françaises. Mieux encore, elles permettent également de diminuer les engrais pour les cultures de céréales ou d’oléagineux les années suivantes.

Enfin, l’insertion de légumineuses dans la rotation des cultures contribue à rompre le cycle des parasites et des ravageurs des cultures majeures, ce qui permet de réduire la consommation de pesticides.

Il reste un long chemin à parcourir

Il faut sensibiliser les consommateurs à ces bienfaits, car les féculents pâtissent encore d’une mauvaise réputation. Les Français sont déficitaires en fibres alimentaires : ils devraient en manger environ 25 g par jour et en consomment à peine la moitié. Chaque année, ils ingèrent en moyenne 1,8 kg de légumes secs par an et par personne, au lieu de 4 à 5 kg en Europe et 7 kg au niveau mondial.

Côté agriculteurs, des filières locales se structurent, notamment en bio. La politique agricole commune (PAC) est aujourd’hui plus favorable aux légumineuses, mais il reste un long chemin à parcourir.

Propos recueillis par Denis Sergent, La Croix
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Source : la-croix.com, pr, 30/05/2016

vendredi 3 juin 2016

Adapter les protéines végétales aux besoins des personnes âgées

Les protéines végétales n’ont pas forcément les mêmes caractéristiques que les protéines animales. Dans ce contexte, les scientifiques tentent de mieux connaître leur valeur alimentaire et mieux comprendre leur digestibilité. Par ailleurs, ils cherchent de nouveaux procédés industriels pour augmenter ces qualités alimentaires.

Augmenter la part des protéines végétales dans l’alimentation ? Voilà une bonne idée qui pourrait avoir des bénéfices environnementaux et en termes de santé publique. Mais, pour ne pas faire fausse route, il faut être sûrs de bien connaître leurs caractéristiques et leurs propriétés nutritionnelles. C’est là l’un des objectifs de l’équipe de Stéphane Walrand à l’Unité Nutrition Humaine.
 
Les chercheurs le savent : comparées aux protéines de la viande ou du lait, les protéines issues des légumineuses ont un moins bon profil en acides aminés. En effet, ces dernières sont pauvres en certains acides aminés soufrés que l’organisme ne sait pas produire efficacement de lui-même.
 
Digérer les légumineuses 

Mais ce n’est pas tout. Les protéines végétales sont souvent moins disponibles au sein de l’aliment. Leur assimilation en est ainsi réduite. Par exemple, la digestibilité des protéines d’un plat de lentilles ou de haricots blancs n’est que de 50% à 80%, contre 95% pour les protéines d’un produit laitier. La cause ? « L’intestin de l’Homme est moins adapté pour digérer les matrices végétales que les matrices animales », explique Stéphane Walrand. « Il faut produire plus de protéases pour digérer les protéines végétales. De plus, les matrices végétales contiennent des éléments non digestibles ». En outre, les légumineuses contiennent des éléments tels que des phytates, qui inhibent l’action des enzymes digestives, notamment celles permettant de digérer les protéines.
 
Or, pour les personnes âgées, ces difficultés de digestibilité peuvent devenir un problème. En effet, avec le temps, la partie haute de l’intestin devient moins apte à l’assimilation des nutriments. De plus, pour des raisons encore non comprises, chez les personnes âgées, l’intestin et le foie prélèvent une part plus importante des acides aminés issus de l’alimentation pour leur propre fonctionnement. Résultat, la part des protéines disponibles pour d’autres fonctions diminue, notamment pour le renouvellement des protéines tissulaires, comme le muscle.
 
Voilà pourquoi les chercheurs tentent d’adapter les protéines végétales aux besoins des personnes âgées.
 
Les recherches de Stéphane Walrand tentent de remédier aux problèmes de digestibilité des protéines. Pour cela, son équipe travaille sur des aliments modèles : farines de légumineuses et gels de protéines. Ces produits, qui n’ont pas une visée commerciale, servent à étudier la manière dont l’organisme digère et assimile les protéines. Issus du pois, de la fève ou des lentilles, ces aliments permettent aussi de tester de nouveaux procédés techniques pour augmenter l’efficacité nutritionnelle de ces sources protéiques.
 
Par exemple, les chercheurs ont montré que l’extraction à basse température des protéines du pois ou de la fève permet d’augmenter leur digestibilité. Or, pour l’alimentation des personnes âgées, pouvoir disposer de protéines végétales à digestion rapide serait un atout majeur. Ceci permettrait de proposer des produits adaptés aux aînés et dont la qualité et la quantité de protéines conviendrait à leurs besoins particuliers. Les chercheurs tentent d’ailleurs de mettre au point des yaourts enrichis en protéines végétales issues de légumineuses.
 
Ainsi, grâce à ces innovations, les protéines végétales pourraient apporter leurs bienfaits à tout le monde.
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Source: senioractu.com, 01/06/2016